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Heaven Road

Heaven Road

Contexte Historique: Guerre de Sécéssion, lors de la bataille décisive de Gettysburg. L'Union représente les Etats Nordistes, les Confédérés réprésentent les Etats Sudistes!
La Pennsylvanie est un état Nordiste, pro esclavagiste.



1 Juillet 1863, Gettysburg, Pennsylvanie, Etat Nordiste membre de l’Union
  


Joséphine Potter regardait alentour, perplexe. Une cohue étonnante régnait dans la ville, mélange d’excitation et de peur et au loin des formes mouvantes se laissaient deviner comme des soldats qui prenaient position, comme la venue d’une nouvelle attaque et instinctivement elle recula, foulant le sol poussiéreux avec le bas de sa longue robe, la main sur son chapeau pour l’empêcher de s’envoler. Derrière elle, sa mère restait immobile, accompagnée de son père qui lui tenait le bras. Elle s’approcha d’eux, les yeux toujours fixés sur le nuage de poussière qui venait au loin mais elle savait bien qu’ils ne pourraient jamais passer les frontières de la vie qu’importe d’où ils venaient, mais elle n’eut pas besoin d’y réfléchir longtemps, cela ne pouvait être que les états confédérés  qui venaient réclamer la fin de la guerre… 

-Joséphine ! Retourne dans la calèche!
Ordonna sa mère.
-Nous n’avons rien à craindre maman, répliqua t-elle ignorant le geste impérieux de sa mère qui voulait la retenir. 

Elle avança sur la route déserte, tandis que les habitants de Gettysburg restaient en retrait près de leurs maisons, sur les cotés de la route protégée par les porches et les arbres touffus, mais elle ne craignait rien, elle avait toujours été ainsi, un peu trop téméraire disait sa mère, un peu trop têtue disait son père, mais elle ne se trouvait pas différente, peut être juste trop véhémente dans ses propos par moments, comme quand elle avait affirmé que le Sud perdrait la guerre et que tous les hommes présent l’avait regardé de haut, méprisants. Car même si ils étaient ralliés à l’Union par les traités officiels, la Pennsylvanie autorisait l’esclavage, et l’encourageait même, ce qui ne déplaisait pas aux Etats confédérés, qui jusqu'à présent les avaient laissé en dehors de cette guerre civile qui secouait le pays, mais voilà que Lincoln se lançait dans l’offensive et qu’il entraînait Gettysburg dans la vraie guerre. Et le Sud perdait et Joséphine «  Joey » Potter avait raison, les états confédérés ne leur laisseraient aucune porte de sortie et voilà qu’ils venaient sur leur terre, en Pennsylvanie, après avoir quitté la Virginie tôt dans la soirée d’hier, prêt à affronter la garnison de Gettysburg, et elle savait bien qu’ils allaient une fois de plus devoir renoncer et reculer, faisant entrer la ville dans le nouveau front de l’affrontement, et ils se retrouveraient tous entre deux feux, entre le Nord et le Sud, terrible guerre de Sécession…Mick Potter surveillait sa fille du coin de l’œil tout en parlant silencieusement dans un coin de la bataille qui s’annonçait, laissant sa femme avec ses amies sur le coté de la route. Liliane Potter secoua la tête en croisant le regard émerveillé de sa cadette, qui croyait sûrement que la guerre n’était qu’un jeu, mais elle se méprenait sur les intentions de sa fille, qui ne rêvait que de cela, comprendre pourquoi les hommes s’entre-tuaient toujours, et ce n’était pas pour leur être désagréable qu’elle se mêlait de toutes ces conversations qui lui étaient pourtant interdite, Joséphine première du nom comme la nommait son père aurait du être un garçon… 

-Ils pensent qu’ils vont pouvoir entrer à Gettysburg, lança Mike Potter et les hommes présent approuvèrent, seulement nous sommes encore fort, et la guerre n’est pas terminée, comment peuvent t-ils croire qu’ils vont faire s’écrouler toute une civilisation, l’esclavage n’est pas une tare c’est une nécessité. Que l’union respecte cela et là seulement nous pourrons parler de cesser le feu. 

Joséphine écoutait son père tout en voyant la fumée disparaître à son plus grand regret, car elle s’imaginait déjà des hordes de soldats Sudistes pénétrer dans la ville pour la mettre à feux et à sang et bien sûr elle aurait pu assister à une vraie bataille, comme elle en avait entendu parler, car dans le fond la cadette des Potter avait autant l’âme d’une aventurière que celle d’une enfant, une bien jolie enfant s’exclamaient toujours les amies de sa mère qui s’étonnaient qu’elle ne fut pas encore marié, mais à tout juste 17 ans, Joséphine ne pensait pas à cela, et elle ne se voyait pas partager la vie d’un homme toute sa vie, à part peut-être celle de son meilleur ami Dawson Lerry que ses parents auraient bien vu devenir son mari. Mais elle n’éprouvait pour lui qu’une amitié fraternelle depuis leur plus tendre enfance et d’ailleurs elle attendait avec impatience de le retrouver pour pouvoir parler librement avec lui de tous ces sujets que sa mère exécrait et qui faisait briller ses yeux dans l’ombre. Elle retourna auprès de sa mère qui lui lança un regard noir. 

-Tu vois que nous n’avions rien à craindre maman ! La bataille est loin, peut-être même trop loin pour qu’elle nous touche
, fit Joséphine presque à regret.-Tant mieux, s’exclama sa mère en soulevant le bas de sa robe et en désignant la voiture qui l’attendait avec de beaux chevaux racés comme signe de richesse. Rentrons les Lerry doivent déjà nous attendre ! Et ne vas pas raconter des idioties à Dawson, ce garçon est bien trop intelligent pour entrer dans ce combat.
-Il n’a que 17 ans maman, il n’a pas atteint la fourchette d’âge requis, susurra Joséphine en montant dans la calèche suivit de son père qui alluma un cigare.
-Il n’est pas obnubilé par cette guerre comme toi ! Et bientôt ils prendront les jeunes enfants et les vieillards, il n’y a plus de soldats…
-Liliane ! Ce n’est qu’un caprice de jeune fille de bonne famille ! Je ne pense pas que soigner des plaies purulentes lui conviendrait, dit Mike en riant tandis que la calèche se mouvait pour quitter la route principale vers la magnifique demeure des Potter.
-Et pourquoi pas ? Tonna Joséphine tandis que son père secouait la tête, riant toujours.
-Tu n’es pas faites pour cela ma chérie, tu es faites pour les brunch et les réceptions, et bien sûr pour te marier.
-Dawson serait parfait, dit Liliane et Mike approuvait de la tête.
-Dawson se lancera dans cette guerre dès qu’il le pourra !
-Il le fera pour tes beaux yeux alors Joséphine, s’exclama sa mère en passant une main sur sa robe bleue pastelle.
-Un tel périple pour une finalité que nous connaissons tous ! Ils vont perdre la guerre et nous entraîner dans leur chute, même si cela vous dérange que je le proclame haut et fort, et si il le faut j’irais soigner nos soldats, rien que pour les aider avant que tout ne s’écroule. 

Après sa tirade, la jeune fille se tourna vers la route, et plus aucun mot ne fut prononcé, ses parents la savaient déterminé voilà pourquoi ils avaient la crainte obscure de ne jamais lui trouver d’époux, un époux capable de dominer ce coté de sa personnalité dont elle était pourtant si fière, car Joséphine jamais ne se taisait, c’était son plus gros défaut selon sa mère, et au fond ils ne la croyaient pas vraiment capable de faire tout cela, de soigner les blessés que cette nouvelle bataille allait faire naître, d’être aussi forte qu’un homme, car elle ne le sera jamais, elle devait rester à sa place, sa place de femme, éternellement belle dans sa robe volante sur ses jambes effilées, éternellement muette dans son coin en surveillant ses enfants du coin de l’œil. Bien sûr, elle désirait tout cela, mais sa nature d’aventurière ne pouvait pas la laisser abandonner, mais ce qu’elle savait c’était que peu importe ce qu’elle pourra faire à l’avenir, jamais elle ne sera un grand personnage de l’Histoire, jamais personne ne louera son courage, ou ses craintes vaincues, tout cela parce que ce n’était pas sa place, les guerres ne devaient pas être la bataille des femmes, pas dans ce monde là, pensa Joséphine en descendant de la calèche devant le porche de sa maison, un sourire contraint accroché à ses lèvres quand Bessie l’accueillit sur le pas de la porte accompagnée de son mari et de son fils. 

-Ma chérie ! Appela Liliane, je ne savais pas que tu devais venir ! 

Bessie enlaça sa mère et ébouriffa les cheveux de sa sœur qui fit la moue. Bessie demanda à son père ce qui se passait en ville et Joséphine marmonna, toujours boudeuse dans son coin. 

-La prochaine bataille se prépare
, s’exclama Mike Potter, avec un peu de chance elle portera le nom de cette ville.
-J’espère bien, assena Liliane et tout le monde éclata de rire, sauf Joséphine, que Bessie poussa à l’intérieur de la maison. 

Joséphine quitta ses parents et sa sœur avec un dernier signe de la main, elle était pressée de rejoindre Dawson et monta se préparer accompagnée de Moly sa femme de chambre attitré, qui avait préparé une robe verte et un corset en dentelle blanche. Une tenue parfaite pour cet été chaud, mais trop habillé dans un sens pour une simple visite à un ami, et cela sera encore l’occasion pour ses parents et sa sœur de se moquer en parlant mariage avec le fils des voisins…   

                                                                          ***
 

Pendant ce temps, à la frontière entre Gettysburg et la ville voisine, Pacey Witter, soldat Sudiste, voyait le front se rapprocher de plus en plus, la chaleur et la puanteur des cadavres qu’ils avaient laissé sur leur route était intolérable, et il dut se détourner pour respirer de l’air pur en scrutant la ville qui s’annonçait en contre bas, leur prochaine bataille, leur prochaine mission et il trembla en pensant à tout le chemin qu’il avait déjà parcouru, à tous les hommes qu’il avait vu mourir et à ceux qui allait mourir pour la bataille tant attendu qui allait bien évidemment porter le nom de cette ville de Pennsylvanie qu’ils allaient attaquer, jusqu'à ce qu’il n’y ait plus un seul soldat valide dans le camp Nordiste. Il sortit sa gourde de son sac et but une grande gorgée avant de s’éclabousser la tête pour contrer la chaleur, car malgré sa casquette il avait l’impression de brûler sur place, dans la poussière jusqu’aux genoux, derrière une ligne invisible qui lui brouillait la vue, et l’espace d’un instant il se demanda si cette bataille là serait son ultime bataille, ou si il allait survivre, question qu’ils se posaient tous avant de poser les pieds dans une nouvelle ville, mais il chassa bien vite ses hypothèses et donna l’offensive, faisant de grands gestes pour que l’armée se prépare, car au loin des cavaliers de l’Union faisaient leur apparition, fusils en avant et baïonnettes sur l’épaule. Pacey se leva soudain, hurlant des ordres, et les soldats trouvèrent leurs chevaux pour s’élancer vers la ville

-Tous sur Gettysburg !
  


                                                                       ***
   

Dawson Lerry prenait l’air dans la véranda de sa maison, quand il vit la jeune fille approcher, splendide dans sa magnifique robe verte, comme il se l’imaginait dans ses rêves, car là, il pouvait la tenir dans ses bras et l’aimer tout son saoul, car il était amoureux d’elle depuis leur plus tendre enfance, seulement jamais il n’avait osé poser ses lèvres sur les siennes, ou même prendre sa main plus de quelques secondes, trop timide pour se déclarer, trop timide pour avouer à Joséphine Potter qu’il souhaitait l’épouser avant de s’engager. Car depuis quelques jours, il y pensait avec d’autant plus de fureur qu’il connaissait les opinions de son amie sur ce combat, et le respect qu’elle éprouvait pour tous ces soldats qui mettaient leur vie en danger et peut-être que si il devenait l’un d’entre eux, la magnifique Joséphine lui dirait oui. Il se leva en la voyant entrer, avec toujours ce sourire accroché à ses lèvres, car quand elle s’approcha il s’imagina l’embrasser tendrement, toucher sa peau de pêche, et passer une alliance pure à son doigt. Il chassa ses pensées et lui servit un verre de citronnade qu’elle but goulûment avant même de lui parler. 

-Quelle éducation ma chère Joséphine !
Lança Dawson.
-Et pourtant nous ne sommes pas encore en pleine équinoxe ! Répliqua la jeune fille.
-Oh toi et tes recettes occultes ! C’est ta femme de chambre qui t’a enseigné la sorcellerie ?
-Non je me documente, fit-elle avec un clin d’œil avant de lui prendre la main et il frissonna malgré la chaleur. Dawson ! Tu as entendu les chevaux ?
-Je vais rejoindre l’armée Joey ! Assena t-il soudain et elle recula.
-Mais…
-J’ai entendu les chevaux oui, et je sais que Gettysburg est la prochaine cible des Sudistes, aussi je veux y participer cette fois-ci 
!
-Tu es trop jeune ! Répliqua t-elle en retenant les tremblements de sa main, effrayée à l’idée de perdre son meilleur ami.
-Je vais avoir 18 ans bientôt, dit Dawson en retirant sa main comme si son contact la brûlait. Je suis un grand garçon Joey !
-Tu ne vas pas aller te battre maintenant ?
-J’attends qu’ils attaquent la ville et je vais prendre les armes !
-Ta mère ne s’en remettra jamais, supplia Joey, et moi non plus.
-Epouse moi ! Lança t-il soudain et elle se leva.
-Dawson…
-Epouse moi, Joséphine Potter ! Dis-moi oui avant que je ne m’en aille !
-Je ne…
-Ne me dis pas que tu ne peux pas, dis-moi juste que si cette ville n’est pas mise à feu et à sang tu m’épouseras… 

Elle resta interdite, face à la passion de celui qu’elle prenait pour son meilleur ami et elle se rapprocha de lui. Il lui prit la main et la fixa dans les yeux, consciente qu’elle ne pouvait pas lui dire non de cette façon en sachant qu’il allait s’engager dans peu de temps, mais elle ne voulait pas être sa femme, elle voulait garder sa place, celle de meilleure amie. Il la supplia, passant une main sur son visage et elle hocha imperceptiblement la tête. Elle savait qu’elle se mentait à elle-même, et qu’elle lui mentait dans un sens en faisant cet ultime signe. 

-Tu m’épouseras après la bataille ?
-Oui…
-Je t’aime… 

Il approcha son visage du sien, en tremblant mais il la sentit froide et rigide dans ses bras. Il recula soudain et pour le rassurer elle lui sourit et le prit dans ses bras, en murmurant que elle aussi elle l’aimait, mais elle ne l’aimait pas ainsi, ce qu’elle voulait ce n’était que préserver leur amitié, il allait partir dans quelques temps, et elle ne voulait pas qu’il soit en colère ou qu’il la haïsse. 

-Mais pas tout de suite
, mentit-elle, je ne suis pas prête.
-J’attendrais ma Joey, murmura t-il à son oreille, je t’ai attendu tout ce temps, je peux bien le faire quelques mois de plus.
-Merci, dit-elle en hochant la tête quand tout à coup la mère de Dawson fit son apparition avec son père sur le pas de la véranda.
-Oh pardonnez-nous, s’exclama Gayle en posant une main sur sa bouche, mais c’est que les nouvelles sont terribles.
-Terrible ? Hurla presque Joey en s’écartant de Dawson.
-Les Confédérés sont entrés dans Gettysburg… 

Dawson pâlit et Joey se laissa tomber sur le siège. Joey se rendit compte que ce qu’elle avait attendu avec impatience comme le nouveau divertissement de sa si morne vie de jeune fille de bonne famille, allait peut-être devenir la pire bataille de cette guerre de Sécession, qu’elle pourrait peut-être emporter avec elle son meilleur ami, celui à qui elle venait de dire oui, sans s’en rendre compte elle s’était lié à lui pour toujours, car même si ils l’étaient déjà, jamais elle n’aurait cru qu’elle pourrait lui dire oui dans un moment de faiblesse, un moment comme celui-ci ou les vies se croisent et ou les destins s’enchaînent, et c’est ce qui est entrain de leur arriver, ils perdent pieds petit à petit, et quand Dawson se leva, bombant le torse, fier du haut de ses 17 ans, elle se sentit défaillir, mais se retint aux accoudoirs, elle l’épouserait si il vivait, elle se le promit à cet instant, sachant bien que si ce n’était pas cette bataille d’autres l’attendrait, et son cœur se brisa à la pensée soudaine qu’elle allait le laisser partir, le laisser la quitter alors que depuis 13 ans ils ne faisaient plus qu’un… 

-Alors je dois les combattre…
-Dawson ! Réfléchit je t’en prie, ce n’est pas un manque de courage que de rester ici à l’abri.
-Tu le penses vraiment ? Demanda t-il en lançant un regard à ses parents toujours muet.
-Oui !
-Mais un homme doit faire son devoir, et je le ferais, assena t-il avant de se tourner vers elle toujours livide. Tu te souviens de ta promesse ?
-Je t’épouserais… 

Il hocha la tête, et s’approcha d’elle pour effleurer doucement sa joue, puis il s’écarta, comme un fantôme, comme le fantôme qu’il allait devenir en portant cet uniforme et Joséphine pouvait déjà imaginer tous les images horribles qui allaient naître de cette nouvelle bataille, des corps déchiquetés, des femmes sans mari, des enfants sans père,  et elle se releva, fière et haute de son prestige et de sa grandeur naturelle, prête à soigner ceux qui tomberont à Gettysburg, agonisant sur la place déserte, tel de nouveaux fantômes que la Sécession alimentait, et même si personne jamais ne pourrait s’en souvenir, elle, elle savait ce qu’il allait advenir de sa vie. Dawson se tourna vers sa mère qui le regardait les larmes aux yeux, tandis que son père, fier, le regard dur hochait la tête, convaincu qu’il pouvait donner son fils unique à l’Union…  

                                                                          ***
 

La bataille faisait rage et au loin raisonnait les coups de fusils, les cris désespérés de ceux qui connurent la baïonnette, ainsi que les pleurs de ceux qui au sol quémandaient de l’aide, mais personne ne devait soigner ceux qui venait s’échouer ici, il n’y avait pas de pitié pour les Sudistes, c’était eux qui avait choisit d’attaquer, ou plutôt le Général Lee, qui croyait encore en une victoire vaine. Et Pacey n’arrivait plus à distinguer le vrai du faux, les images de ces visages sanguinolents dansaient devant ses yeux, près de lui l’odeur acide du sang qui s’écoule le fit pâlir, et il attrapa sa baïonnette dans un dernier effort, jetant devant lui l’arme qui transperça le cœur d’un de ses ennemis. Et il avançait sur Gettysburg, comme tous ceux qui évoluaient à ses cotés, mais les rangs se décimaient et les soldats s’écoulaient, des amas de cadavres, des armes laissées au sol, mais ils n’abandonnaient pas, un pas devant l’autre, un ennemi après l’autre, jusqu'à ce qu’ils aperçoivent l’église de la ville, fière et forte, érigé pour toucher le ciel de sa croix, et il se laissa tomber au sol, à genoux dans la poussière, des traînés de sang sur son visage, sur ses mains qu’il porta à sa tête, comme une prière à l’éternel, comme une dernière confession, quand il sentit une pointe terrible le transpercer, une douleur insurmontable qui le fit défaillir, et il s’écroula, lentement, animé de soubresauts, en ne pensant qu’à une chose, il avait faillit et le Sud allait mourir…
Il sentit une douce pression sous ses doigts et il agrippa un petit bracelet en or enfouis dans la poussière qui avait sûrement du glisser du poignet d’une jeune fille inconnue, il garda les yeux ouverts le plus longtemps possible, lutant avec son corps qu’il l’abandonnait, faisant jouer entre ses doigts le bracelet ou l’inscription gravée attira la lumière… 

-Pour Joséphine
, murmura t-il avant de se laisser glisser dans l’ombre.  

                                                                        ***
  

Joséphine était rentrée chez elle, hébétée. Dawson avait prévu de partir le lendemain pour rejoindre la garnison de Gettysburg, et déjà les bruits incessants de la ville en souffrance la faisait trembler. Sa mère l’avait accueillit, inquiète, et à l’annonce du départ de Dawson elle pâlit, remerciant le ciel de ne pas avoir de fils à sacrifier. Mais la jeune fille ne leur parla pas de cette demande en mariage peu commune qu’elle avait pourtant accepté, l’heure n’était pas aux réjouissances, et elle avait encore du mal à se rendre compte qu’elle avait lié sa vie à la sienne au creux de cette guerre civile qui les bousculaient. Au loin, elle entendit les canons raisonner, la bataille n’était pas finit et elle n’allait trouver sa finalité que quelques jours plus tard, seulement elle ne pouvait pas le savoir, et elle priait silencieusement pour que l’Union chasse les Sudistes et pour que Dawson renonce à sa folle entreprise.
Elle monta dans sa chambre, silencieuse, jusqu'à ce que sa mère la rejoigne, le visage pâle, soucieuse. 

-Tu vas laisser ce pauvre garçon partir sans l’épouser !
-Maman ! Ce n’est pas le moment de parler mariage…
-Joséphine… J’ai épousé ton père le jour de mes 16 ans, il serait temps que tu te décides. Tu devrais l’épouser avant qu’il ne parte, car si cette bataille n’est pas la dernière il s’en ira.
-Pour faire de moi une jeune veuve ? Non maman, répliqua t-elle, je ne pourrais pas accepter cela. Car tant que la guerre ne sera pas finie, je ne veux donner mon cœur à personne. 

Mais elle lui avait déjà donné dans un sens, et elle mentit à sa mère avec une facilité déconcertante, oubliant presque la promesse ultime de devenir sa femme si il survivait, si il revenait vainqueur de cette bataille. Sa mère s’assit sur le lit à ses cotés et pour la première fois depuis très longtemps elles purent parler à cœur ouvert, comme une mère parle à sa fille, ou comme une fille se confit à sa mère, et la jeune fille laissa échapper quelques larmes en parlant de Dawson. 

-Les hommes s’en vont ma chérie, c’est ainsi. Dans toutes les guerres ils nous quittent, et crois-moi, je suis très heureuse que ton père ne soit plus assez jeune pour y participer, comme je remercie le ciel de ne pas m’avoir donné de fils. Gayle doit être effondrée.
-C’est une drôle de guerre, murmura Joséphine, nous nous battons contre les Etats confédérés, alors que nous sommes à peu près d’accord avec leur politique. Je ne comprends pas…C’est comme une symphonie profane…
-Toutes les symphonies ont un défaut, répliqua Liliane et sa fille la regarda perplexe. Ce que je veux dire c’est que toutes les guerres sont imparfaites, et que leur déclaration est parfois aussi ridicule que leur finalité, nous n’y pouvons rien, les Hommes sont ainsi, ils se battent pour un pays comme ils peuvent se battre pour leur famille, pour la femme qu’ils désirent ou pour la vie qu’ils ont rêvé d’avoir. Rien n’est parfait.
-Magnifique métaphore, lança Joséphine et sa mère l’attira à elle.
-C’est le résultat d’une culture musicale certaine ma chérie, plaisanta t-elle. C’est en écoutant ces musiques que nous comprenons que la vie à une fin comme toutes les belles symphonies.
-Je voudrais m’engager à l’hôpital de Gettysburg…
-C’est à cause de Dawson c’est cela ? Tu veux être près de lui ?
-Dans un sens… Mais je crois surtout que je pourrais leur être utile.
-Je ne sais pas ma chérie, il faut beaucoup de courage. Je sais bien que tu en as, mais j’ai peur que tu ne vois plus jamais la vie de la même façon, et je veux te protéger, je veux que tu croies aux contes de fées…
-J’y crois, répondit Joséphine avec un doux sourire. Jamais je ne pourrais y renoncer.
-Alors… Soit prudente…
-Merci, murmura t-elle quand sa mère l’embrassa en lui caressant les cheveux.
-Et moi qui croyait que ma dernière fille était une fleure fragile, un petit peu à l’image de ces élégantes Sudistes qui ne pourraient jamais voir une marre de sang sans s’évanouir.
-La conviction pousse les frontières, répliqua Joséphine et sa mère la regarda, fière.
-J’en suis persuadé… L’amour aussi.
-J’aime Dawson c’est certain, c’est mon meilleur ami, j’ai tant partagé avec lui, mais je ne crois pas que ce soit cet amour de contes de fées que tu voudrais que je cultive…
-Alors suis ton cœur, Joey Potter, répliqua sa mère en l’appelant par son surnom, celui que lui avait donné son père, quand enfant elle se traînait dans la boue comme un garçon. Ce surnom est prémonitoire… Je sais que tu peux avoir ce courage, comme un homme…
-Pas toi ?
-Je suis trop vieille pour évoluer, plaisanta sa mère, et puis tu sais, je suis une fine fleur du Nord, personne ne peut me contraindre à quoi que ce soit, l’éducation cela se respecte.
-Petite bourgeoise !
-Très certainement ma fille, mais toi aussi, alors sois sage et suis ton instinct, je suis sûre qu’il te guidera, et si ce n’est pas vers Dawson ce n’est pas grave, ton prince charmant est peut-être déjà là… 

Joséphine sourit, et sa mère se leva avant de lui faire un dernier signe en quittant la pièce. La jeune fille se leva et se dirigea vers la fenêtre, songeuse, seulement quand elle porta la main à son poignet elle découvrit que le bracelet qui l’ornait avait disparut. Elle se retourna vivement vers le lit et passa sa main sur la moquette, persuadé qu’il devait être là, c’était un cadeau de Dawson, elle ne pouvait pas l’avoir perdu, pas ce bracelet qui avait jouer à son poignet pendant des années et qui représentait bien plus qu’un bijou, il représentait une amitié forte et véritable. Elle se releva, le cœur battant, et une larme coula sur sa joue, peut-être l’avait-elle perdue quand fascinée elle regardait la bataille au loin peut être l’avait t-elle perdu parce que ce n’était pas leur destiné de s’aimer et de se retrouver. Elle posa une main sur sa poitrine, contrôlant les battements de son cœur, car quoi qu’il arrive Joséphine croyait au destin, et si le destin lui avait enlevé ce précieux présent, c’est qu’il n’allait pas lui offrir un avenir bienveillant. Elle respira à fond et cacha son poignet désormais vide, persuadé que si ils devaient se marier après la guerre, elle retrouverait ce bracelet, idée saugrenue certes, mais c’est cette idée là qui la convaincue que sa place se trouvait auprès d’eux tous, ceux qui se battait pour sauver les Etats-Unis…
Et elle était prête, elle savait qu’elle avait fait le bon choix, depuis l’enfance il faisait tout ensemble, et maintenant elle allait relever ses robes pour courir après la mort, comme lui le faisait en courant après leurs ennemis, elle allait panser des plaies et fermer des yeux, car peut-être que Joséphine Potter n’était pas faite pour s’épanouir dans les contes de fées, peut-être qu’il n’y avait que l’adversité pour la faire grandir et évoluer, et cela, elle le saura le lendemain, en partant tôt dans la matinée, accompagnée de Dawson qui la quittera sur la place pour rejoindre sa garnison, tandis qu’elle, forte, et tremblante à la fois elle se dirigera vers l’hôpital, convaincue que le monde allait avoir besoin de sa voix…  


     2 Juillet 1863, Gettysburg, Pennsylvanie, Etat Nordiste membre de l’Union  


Dawson passa chercher Joséphine dès huit heures et elle était prête, sur le perron de sa maison, habillé sommairement, une robe noire classique, des gants, et un petit chapeau qui rendait son visage encore plus livide que la veille, quand il lui avait annoncé son départ. La jeune fille n’avait pas cessé de se retourner dans son lit cette nuit là, aux prises avec de sombres cauchemars, toujours animés par les bruits de la ville qui mourrait à petit feu sous l’une des bataille décisive de cette guerre de Sécession. Des cernes brillaient sous ses yeux, et Dawson l’aida à monter dans la calèche, il ne portait pas encore son uniforme de l’Union mais cela ne saurait tarder, il allait la déposer devant l’hôpital et partir vers la garnison, le soir venu le père de la jeune fille avait promit de venir la chercher. Mike Potter avait secoué la tête en écoutant le discours de sa femme qui lui avait rapporté sa conversation avec leur cadette, il ne la croyait pas capable de supporter tout cela, dans un sens il voudrait qu’elle reste une femme, trop délicate, trop bien élevée pour se fourrer dans un pareil guêpier, face aux soldats mourants qui imploreraient une dernière chance. Mais il l’avait laissé partir ce matin là, avec moult recommandations, en espérant qu’elle puisse tenir cette longue journée qui s’annonçait désastreuse.
Le matin même, les Sudistes avaient creusé un tunnel jusqu'à la garnison de Gettysburg et les explosifs avaient déjà faits des dizaines de blessés, des hommes pris sous la terre, envahis par la poussière, étouffés par le souffle des bombes, pris au piège mais surtout surpris dans leur sommeil, des hommes hébétés qui regardaient leurs camarades mourir, qui pleuraient et hurlaient vers le ciel lugubre, des hommes qui ne croyaient plus en rien devant cette folie humaine, toutes ces victimes de la guerre, déchiquetées, explosées, inertes au sol, comme des poupées désarticulées dont les membres auraient été arrachés, sordide image, puanteur insupportable, qui régnait sur la ville et dans ses campagnes, qui accompagnait Dawson et Joséphine, qui ne pensaient qu’aux premières heures de ce conflit là, quand hier ils étaient encore inconscient du danger, souvenir vivace qui allait pourtant s’envoler, car maintenant il allait faire face, ils allaient entrer dans la bataille.  

-Tu n’étais pas obligé de faire cela, Joey
, dit Dawson, persuadé qu’elle entrait comme infirmière pour rester près de lui.
-Si je le suis, je crois que je ne peux pas ignorer cette bataille là, ils ont besoin de moi, répliqua t-elle en couvrant son poignet vide, toujours torturé par la perte de son bracelet.
-Nous gagnerons cette bataille soit en sûre, dit-il convaincu, et quand je reviendrais nous annoncerons la bonne nouvelle à nos familles.
-Oui, murmura t-elle et il prit sa main dans la sienne.
-Tes parents n’ont pas été surpris de ta décision ?
-Ma mère m’approuve, mon père me prend pour une folle, mais ce n’est pas grave, je n’ai rien à prouver à personne, je vais juste soigner des blessés, je ne peux pas combattre alors je vais réparer les dégâts.
-Joey… Les hommes meurent dans toutes les guerres, c’est ainsi, et pour gagner le pouvoir il faut combattre, ce n’est pas un crime. 

Elle resta silencieuse et ils arrivèrent sur la place en pleine effervescence. L’hôpital se trouvait dans une rue plus loin tandis que la garnison en dehors de la ville nécessitait encore quelques minutes de chemin. Dawson aida Joséphine à descendre de la calèche et il l’embrassa tendrement sur la joue, il n’osait pas aller plus loin pour le moment, ils n’étaient pas vraiment fiancé, il n’y avait entre eux que cette promesse tacite qu’ils allaient certainement honorer, mais pour le moment aucun anneau, aucune bague n’ornait son doigt et elle ne lui appartenait pas encore. Elle lui sourit, étreignit sa main quelques secondes, et le laissa partir, le cœur lourd, sachant bien qu’aujourd’hui il allait combattre, combattre pour sauver ce qu’il restait de Gettysburg. 

Elle se dirigea doucement vers l’hôpital ou la cohue était étonnante, des dizaines de femmes en tablier blanc tachés de sang allaient et venaient, sur le porche à même le sol des hommes mourraient lentement, happés par les limbes que le sang appelait en coulant sur le sol, marre instable qui les fauchait. Elle enjamba un cadavre en détournant les yeux, soulevant ses robes pour ne pas la tacher, mais elle se rendit bientôt compte que c’était inutile, il n’y avait que sang et perte ici, pas de contes de fées pas de princes, elle entrait dans la réalité et elle allait la vivre pour grandir…Une petite jeune femme blonde donnait des ordres et Joséphine s’approcha d’elle en l’interpellant.  

-Excusez-moi ! Mademoiselle !
-Oui, hurla la jeune fille sans la regarder. Que voulez-vous ?
-Je viens donner un coup de main !
-Bien, fit-elle en se tournant pour la scruter cette fois ci. Je suis Jennifer Lindley, prenez un tablier propre dans la blanchisserie, enlevez-moi ce chapeau ridicule et ces gants vous n’en aurez pas besoin. Attachez vos cheveux mieux que cela, et enlevez un jupon vous avez trop de tissus sur vous, vous risqueriez de glisser. Vous ne serez pas payer bien entendu, notre président ne vas pas vous versez une rente pour remettre debout ses hommes.
-J’avais compris, répliqua Joséphine sur la défensive, et la blonde s’adoucit.
-Excusez-moi, dit–elle en lui tendant la main. Je suis un peu sur les nerfs, nous sommes débordés, ils arrivent par dizaines, toutes les heures, Gettysburg ne va pas tenir longtemps, mais nous n’avons pas que nos soldats, il y a les autres…
-Les Sudistes ? Demanda Joséphine en haussant les sourcils.-Oui, cracha la blonde en secouant la tête. Nous ne les soignons pas vraiment, nous les laissons plutôt dans un coin mais…
-Mais c’est horrible… Imaginez que votre mari tombe dans leurs filets ? Vous seriez peut-être ravis que des femmes le soigne !
-C’est horrible, c’est certain ! Alors si vous voulez soigner nos ennemis allez-y ! Je vous donne le feu vert mademoiselle…
-Potter ! Joey ! Dit-elle en donnant son surnom instinctivement.
-Hum… un surnom de garçon !
-Je les soignerais, répliqua la jeune fille, déterminée. Ils ne doivent pas mourir parce que les hommes politiques ne savent pas ce qu’ils veulent.
-Pas de politique ici Joey ! Allez chercher un tablier et surtout suivez mes directives… Avez-vous le cœur bien accroché ?
-J’espère…
-Je l’espère pour vous, fit Jennifer en hurlant sur une femme qui avait fait tomber un plateau. 

La malheureuse se releva et penaude s’enfuit vers la blanchisserie. Joséphine regarda alentour, des centaines de lits ou des agonisants gémissaient, tous plus amochés les uns que les autres, et l’odeur du sang la prit à la gorge, odeur terrible parmi tant d’autres, les plaies purulentes, les membres arrachés, les amputations pratiquées par des médecins à peine diplômés dans une autre salle, des cris et des appels vains, tout ce qui avait animé ses cauchemars cette nuit et qu’elle vivait vraiment. Jennifer prit Joséphine par le bras et l’entraîna entre les lits vers la blanchisserie, ou elle trouva des dizaines, voir des centaines de draps, de tabliers, de serviettes humidifiées, des compresses, des bandages, mais aucun antibiotiques pour les infections, et quand elle posa la question à sa toute jeune patronne, celle-ci éclata de rire. 

-Des antibiotiques ? Non Joey nous n’en avons pas, et nous n’en aurons jamais. Soit ils survivent, soit ils meurent c’est tout ce que nous pouvons faire, nous pansons les plaies, nous leur parlons, nous les réconfortons, et dans quelques semaines ils repartiront se battre ou ils atterriront au cimetière de la ville.
-Si je comprends bien nous sommes des gardes malades ?
-En quelques sortes, lui répondit Jennifer avant de lui lancer un tablier et de la tutoyer pour la première fois. Dis-toi que tu en es à la préface d’un roman et que la suite ne semble pas plus glorieuse que les premières lignes.
-C’est bien ce que je pensais, murmura Joséphine et Jennifer la scruta quelques secondes.
-Qui as-tu perdu ?
-Personne pour le moment, mais il est partit ce matin pour la garnison, persuadé que c’est son devoir de défendre la ville.
-Il a raison, c’est son devoir, et le tiens c’est d’être là quand il reviendras, c’est notre devoir à toutes, car quand la guerre sera finie ils nous oublieront, ils oublieront tout ce que nous avons fait pour eux, nous redeviendrons leurs femmes et rien que cela…
-Ce n’est pas mon mari, c’est mon… fiancé… enfin dans un sens.
-Qu’importe qui il est enfin de compte, un jour tu lui appartiendras, nous leur appartenons tous, ils attendent cela de nous, ils attendent que nous les soignons, mais plus tard quand il faudra nous remercier il n’y aura plus personne. Alors serre les dents jolie demoiselle, et attaques-toi aux bandages, tu n’es pas prête d’avoir finit.
-Je voudrais soigner les Sudistes, murmura Joséphine et Jennifer hocha la tête.
-Si mon mari était prisonnier dans le Sud je voudrais qu’une femme s’en occupe alors vas-y, tu as mon feu vert… 

Joséphine hocha la tête et un sourire se dessina sur ses lèvres en même temps que sur les lèvres de Jennifer Lindley qui après un dernier signe tourna les talons. Joséphine inspira profondément, prenant dans ses mains tremblantes, des pansements, des bandages, et avec un courage qu’elle n’aurait jamais soupçonné elle sortit de la pièce pour aller dans le coin que lui désigna Jennifer, le coin des ennemis qu’ils laissaient mourir. Elle s’arrêta devant le lit d’un homme, recouvert de la tête au pied d’une boue tenace, que personne n’avait pris la peine de nettoyer, mais quand elle s’approcha un peu plus près elle vit que ses yeux fixes et vitreux étaient déjà mort, comme son corps qui commençait à pourrir sur place. Elle fit un signe à Jennifer qui accourut avec un drap, elles l’enveloppèrent dedans et le laissèrent sur place, en attendant que les fossoyeurs se décident à venir chercher les cadavres pour les enterrer dans une fosse commune. Au sol près du cadavre, elle découvrit un papier blanc couvert de sang, elle se baissa pour le ramasser et se rendit compte qu’il s’agissait d’une lettre, une lettre que sa femme avait du lui envoyer et qu’il gardait sur lui, près de son cœur pour chaque nouvelle bataille et celle-ci lui avait été fatale. Elle regarda une dernière fois le drap qui déjà s’imprégnait de boue et elle déposa la lettre fermée ou l’écriture ronde s’affichait, ultime au revoir, ultime adieu. Joséphine se détourna quand les fossoyeurs vinrent chercher l’homme ainsi qu’une dizaine d’autres qui reposaient encore sur leurs lits. Des lits qui allaient servir pour les derniers blessés qui se pressaient, qui entraient dans l’hôpital à moitié mort, le visage souvent couvert de sang, les membres brûlés par les explosions dans le tunnel, des visages qu’elle oubliait vite, pour ne pas avoir le cœur brisé, pour ne pas être touché, mais en fait elle les scrutait tous comme si elle s’attendait à voir Dawson arriver, lui aussi mortellement blessé, et elle passa sa main sur son poignet vide les larmes aux yeux, elle l’avait perdu, son magnifique bracelet ou son nom était gravé et tout à coup elle entendit un murmure, un doux murmure derrière elle dans cette cohue sans nom, une voix qu’elle ne connaissait pourtant pas et qui ne cessait de scander les mêmes mots, toujours les mêmes mots… 

-Pour Joséphine… Pour Joséphine…
 

Elle se retourna pour voir un homme sur un lit dans un coin, totalement ignoré du fait de son uniforme Sudiste et ses lèvres bougeaient doucement, il ne cessait de murmurer ces mots et elle s’approcha, tremblante, elle fixa son visage sale, et ses mains qui pendaient hors du lit, des mains ou un bracelet était toujours accrochés. Elle resta interdite quelques instants devant lui, et s’assit sur le rebord du lit, passant sa main sur sa joue pour qu’il se réveille, et ses yeux papillonnèrent avant de se fixer sur son visage, et de murmurer doucement « Joséphine… Joséphine… » 

-Chut, fit-elle en se penchant vers lui, je vais vous aider… 

Elle prit sa main et le bracelet brilla entre ses doigts, elle le prit doucement, et un sourire naquit sur ses lèvres, un sourire suivit d’une larme, le bracelet était cassé, mais cet homme l’avait retrouvé, il était entre ses mains depuis tout ce temps, elle l’avait sûrement perdu sur la place et en s’écroulant il s’y était accroché, accroché pour fuir la mort qui le traquait. Elle voulait emporter le bracelet mais il resserra son étreinte serrant sa main dans la sienne, avec toujours sur les lèvres son prénom qui raisonnait…
Pacey Witter avait ouvert les yeux sur un ange, son ange, une magnifique jeune fille brune au sourire angélique, aux larmes suprêmes qui s’étaient écoulées sur sa joue, solitaire, comme une blessure qu’il ne pouvait pas réparer, et il garda sa main dans la sienne, tenant toujours le bracelet entre ses doigts, il ne voulait pas s’en séparer, c’est ce bracelet qui l’avait sauvé, il en était convaincu, Joséphine était son ange, seulement il ne savait pas encore que c’était elle et que le destin les avait réunis. Elle se pencha vers les bandages, et détacha sa main de la sienne, tout en lui parlant doucement, en lui demandant d’où il venait, qui il était parce qu’elle avait ressentit cet décharge électrique dans tout son corps, une décharge qui avait aussi atteint son cœur quand il avait ouvert les yeux et qu’il l’avait fixé, un doux sourire aux lèvres, un magnifique sourire pour son ange mystère. Il avait une plaie à l’épaule qui allait cicatriser rapidement, mais l’état dans lequel ils l’avaient laissé avait aggravé la blessure, et Joséphine chercha de l’eau qu’elle lui fit boire doucement, avant de le nettoyer avec une bassine d’eau chaude, d’abord le visage qui apparut sous cette couche de boue, puis les bras, puis le torse, doucement elle passait son éponge sur le corps de cet inconnu qui l’avait émue, qui avait retrouvé son bracelet qui l’appelait toujours sans savoir qu’elle était près de lui, que ce n’était autre que son bracelet et qu’ils les avaient liés au creux de cette guerre, que maintenant un lien très particulier allait naître quelque chose d’aussi mystérieux que cet inconnu, cet ennemi qu’elle n’aurait jamais du approcher, qu’elle n’aurait jamais du soigner, et quand enfin il sortit de sa torpeur il répondit à toutes ces question, absorbé par les gestes si doux de son nouvel ange… 

-Vous allez survivre
, murmura Joséphine à son oreille puis elle recula promptement en se rendant compte de se rapprochement plus qu’inhabituel pour une infirmière. Où avez-vous trouvé mon bracelet ?
-Vous êtes Joséphine ? Demanda t-il dans un souffle et reprenant sa main dans la sienne, faible mais fort en même temps.
-Oui, fit-elle, je croyais l’avoir perdu pour toujours…
-Il m’a sauvé la vie, vous m’avez sauvé, je n’ai pas cessé de murmurer ce nom… Sans m’arrêter jusqu'à ce qu’ils me retrouvent… Personne n’est venu me voir avant vous… Vous êtes un ange…
-Non, murmura t-elle en détournant soudain les yeux, attiré par son regard brûlant. Je ne suis que Joey…
-C’est très jolie comme surnom… Joey…
-Mon père me l’a donné parce que je ressemblais à un garçon quand j’étais enfant…
-Vous êtes magnifique, dit-il aux prises avec la fièvre qui le faisait délirer.  

Mais ce n’était pas la fièvre qui le faisait parler cette fois ci, son cœur tambourinait dans sa poitrine, elle éveillait chez lui quelque chose d’inconnu, quelque chose qui n’était jamais né auparavant et il sourit quand elle le laissa prendre sa main, quelques secondes où il sent son pouls s’emballer, son corps se tendait, il détaillait son visage, ses yeux irisés, et sa peau de pêche, elle n’était pas faite pour cela, pour soigner des blessés et se salir les mains et pourtant elle le faisait, elle le faisait par conviction par courage et il l’admirait, il su à cet instant qu’il était tombé amoureux d’elle, qu’il était tombé amoureux d’elle dès qu’il avait ouvert les yeux sur son visage torturé, en si peu de temps et pourtant déjà si intensément, si intensément qu’il en avait peur, et elle aussi, il le voyait à son regard fuyant, mais il sentait la chaleur de sa main dans la sienne et il su que la jeune fille avait ressentit la même chose…
Dans un coin, Jennifer observait la scène en secouant la tête, essuyant ses mains pleines de sang sur son tablier, convaincu que jamais aucun amour même fugace ne pouvait survivre à cette guerre là, et elle pensa à son mari qui était partit depuis des mois et dont elle n’avait plus de nouvelles, aucune lettre, aucun mot, son mari qui était probablement mort quelque part dans ce Sud terrible, et peut-être qu’aucune femme n’avait voulut le soigner et qu’il avait expiré solitaire comme l’autre cadavre qui avait été emporté, et tout à coup, elle prit des serviettes et de nouveaux bandages avant de se diriger vers Joey et de s’asseoir sur le lit du patient qui gémissait à coté de Pacey, serrant les dents face à l’odeur, fermant parfois les yeux face au sang, mais avec la conviction certaine que Dieu lui en sera gré…  

Joséphine se leva, laissant Pacey Witter dormir, le bracelet toujours accroché à ses doigts et elle s’éloigna avec Jennifer en soupirant pour boire un café dans la blanchisserie, cassée, brisée, par cette journée qui n’était pas encore achevée, par tous les blessés qui allaient encore venir remplir les lits, des lits déjà tachés par l’opprobre, déjà tachés par un sang impossible à nettoyer et ce n’était que justice, pas d’oublis pour les héros qui avait sacrifiés leur vie à la guerre. 

-Les prochains cadavres seront bien trop abîmés pour être identifiés,
murmura Jennifer en prenant son café noir sans sucre. Les corbeaux les attaquent tout de suite, ils sont parfois encore vivants quand ils grignotent leurs blessures…
-Mon dieu c’est horrible, fit Joey en reposant sa tasse de café, pensive. 

L’image obsédante de Dawson se mêlait maintenant à celle de Pacey Witter qui dormait dans un coin de la pièce son destin entre les mains, deux visages qui n’avaient rien de commun mais qui dansaient devant ses yeux, et pourtant elle ne connaissait Pacey que depuis quelques heures, quelques heures qui avaient semblées tout effacer, même cet amour quelle avait cru voir naître entre elle et Dawson. Jennifer la regarda quelques minutes avant de pousser la porte de la blanchisserie. 

-Je t’ai vu avec ce soldat Joey
, dit-elle dans la confidence. Que fais-tu ? C’est un de nos ennemis, ne me dis pas que tu as eu le coup de foudre ?
-Non, se défendit la brune en se détournant pourtant. Je suis fiancée… Je le suis…
-Alors ne le regarde pas ainsi d’autres ont besoin de toi Joey, déclara Jennifer avant de s’approcher de sa compagne.
-Il a retrouvé mon bracelet, je m’étais promis que si je retrouverais ce bracelet j’épouserais Dawson à son retour, mais il est cassé… Il est cassé.
-Cela ne veux rien dire…
-Je crois au destin, et il est brisé…
-Je crois plutôt que tu es tombée amoureuse de ce soldat !
-C’est impossible, répliqua Joséphine. Je ne le connais que depuis quelques heures !
-L’amour ne se commande pas Joey, n’ai pas honte, il y a quelque chose chez lui qui t’as chamboulé, tu es pâle et fébrile…
-Quelque chose… Il murmurait mon nom sans me connaître et quand il a ouvert les yeux je me suis mise à trembler, je ne pouvais plus me contrôler, il a pris ma main, et l’a serrée si fort que je sentais son pouls s’emballer…
-Joey…
-Je sais ce que tu penses…
-Non, je ne te condamne pas, mais ne te laisse pas emporter par cette simple attirance !
-C’est peut-être plus que cela…
-A toi de voir, mais ne crois pas que ce bracelet soit un signe, il a été brisé par la guerre c’est tout et si il est dans les mains de cet homme c’est un hasard…
-La guerre brise les Hommes Jennifer, répliqua Joséphine avant de se détourner mais Jennifer la retint par le bras.
-Et le vent emporte les feuilles mortes, et la mer charrie les vagues instables, tandis que les mouettes s’envolent vers le ciel dans un dernier cri, mais cela ne veut pas dire que tout le monde s’en va, que tous les hommes de notre vie nous quitterons…
-Non c’est certain, mais cette guerre est comme une mélodie sans fin, et je crois que le dernier credo se rapproche, murmura Joséphine avant de secouer la tête et de quitter la pièce sous le regard triste de Jennifer qui essuya une larme en pensant à son mari. 

Jennifer resta immobile en regardant Joséphine s’en aller, sa robe volant derrière elle comme un fantôme, comme si elle fuyait cette nouvelle réalité qui s’était imposé, elle avait beau être fiancée, elle ne pourrait pas épouser Dawson, et Jennifer l’avait sentie quand à coté de Joséphine elle avait aperçu le regard voilé de Pacey qui suivait chacun de ses mouvements…Jennifer sortit à son tour, en respirant à plein poumons pour se soustraire à l’odeur de la salle de soin quasi insupportable, et dans ce même coin ou elle était allé soigner ce blessé qui était sensé être leur ennemi, elle vit Joséphine se pencher vers Pacey Witter, et remonter sa couverture sur son torse nu. Elle se détourna et sortit sur le perron, regardant le soleil décliner doucement, signe que la journée s’achevait, mais pas que la bataille touchait à sa fin, pour le moment personne ne gagnait, il n’y avait que blessures et incertitudes, rien que cela pour alimenter leurs sombres journées…  

Pacey parlait dans son sommeil agité, et près de lui, Joséphine restait immobile, assise sur le lit, sa main dans la sienne, avec entre leurs doigts le bracelet qui jouait, image vivante de leurs vies respectives, des vies qui n’auraient jamais du se croiser, sans cette guerre jamais ils n’auraient été mis en présence, jamais il n’aurait posé ses yeux sur son visage, jamais il ne serait tombé amoureux d’elle, et jamais elle n’aurait pu imaginer un seul instant poser ses lèvres sur celle de cet inconnu qui aurait du l’horrifier, qui aurait du la dégoûter, c’était un ennemi, mais dans son cœur ce n’était qu’un homme qui l’avait touché…
Alors elle se pencha à nouveau, et entonna un chant, une berceuse que lui chantait sa mère quand elle était plus jeune, quand elle était encore innocente et qu’elle croyait aux contes de fées, et c’est ce qu’elle murmura à l’oreille de Pacey Witter avec cette chanson qui accompagna son songe torturé, torturé par la douleur, par les blessures, mais cette si douce mélodie le fit sourire tendrement, et il resserra son étreinte, emprisonnant sa main un peu plus, la couvrant d’une chaleur bienfaisante qui gagna son cœur et qui le fit exploser d’amour. Les larmes coulèrent sur les joues de la jeune fille, silencieuse dans sa mélodie et elle termina son chant dans un murmure, un murmure qui aurait pu devenir un « Je t’aime »…  

     5 Juillet 1863, Gettysburg, Pennsylvanie, Etat Nordiste membre de l’Union  

Le 3 juillet 1863, la bataille s’acheva. Le général Lee déclara forfait et les troupes confédérées se retirèrent, laissant l’Union reporter la partie cette fois-ci, mais ce qu’ils ne pouvaient pas encore savoir, c’était que cette bataille serait le tournant certain de cette guerre de Sécession, et que leur chemin ne serait plus que défaites et blessés, des hommes brisés qui allaient déclarer forfait, car comme Joséphine Potter l’avait laissé entendre, le Sud allait succomber. Elle avait passé tout son temps à l’hôpital de la ville, fermant les yeux des blessés, et soignant ceux qui pourrait retourner au front, essayant tant bien que mal d’oublier cette attirance qui la poussait toujours vers ce blessé dans un coin, ce jeune homme, cet ennemi qui pourtant faisait battre son cœur, de plus en plus en fort à chaque fois que leur yeux se croisaient. Mais elle se bornait à penser à Dawson, elle essayait de revoir ses yeux, de sentir sa chaleur, mais il n’y avait rien, l’ami lui avait manqué, elle avait tremblé pour lui en vivant dans la sourde incertitude de la fin de ce combat, mais elle avait oublié le fiancé depuis longtemps, elle le savait à présent, elle ne pourrait pas l’épouser, malgré sa promesse, non elle ne pourrait pas. Et les yeux brillant de Pacey effacèrent ceux si terne de son meilleur ami de toujours, et elle se retourna vers lui pour le fixer. Ses blessures s’étaient cicatrisées, mais le temps serait le meilleur remède, si elle le pouvait elle l’empêcherait de repartir au front, elle le retiendrait de toutes ses forces, mais elle ne le pouvait pas, et chaque jours qui passait amenuisait cet espoir de les voir un jour se déclarer cette flamme qui brûlait dans leur cœur et qui le consumait doucement. Ce jour là, le soleil était à son zénith dans le ciel, et la bataille semblait loin, les Sudistes avaient reculé, sans demander à récupérer leurs blessés, qu’ils laissaient sur ce sol ennemi, aux prises avec les colères de la population. Joséphine n’avait aucune nouvelle de Dawson depuis son départ il y a 3 jours, et elle attendait qu’il revienne pour lui avouer que leur mariage ne pourrait jamais se faire, il était forcément vivant, malgré le bracelet brisé que Pacey avait finit par lâcher et qu’elle avait placé dans la poche de son tablier, il devait être vivant car elle voulait le regarder dans les yeux pour lui avouer la vérité. Et elle essayait vainement de se convaincre que ce n’était pas à cause de Pacey qu’elle faisait cela, mais dans un sens c’est sa rencontre avec cet homme qui lui avait ouvert les yeux, Dawson méritait mieux que cette jeune fille qui ne pouvait pas l’aimer comme il le souhaitait…
Elle s’installa près de Pacey sur le lit et il ouvrit les yeux en souriant, elle lui apportait un bol de soupe, une soupe dérisoire, mais c’était tout ce qu’ils possédaient ici, et il s’en contenta, trempant ses lèvres gercées dans le breuvage chaud qui raviva les couleurs de son teint. Sa blessure à l’épaule suintait encore par moment, et Joséphine changeait son pansement tous les jours, attentive à son bien être et consciente que quand elle n’était pas près de lui, il passait son temps à la suivre du regard, avec dans les yeux une étonnante lueur, un mélange d’amour et de douleur.  

-Comment allez-vous aujourd’hui ?
Demanda Joséphine et Pacey la regarda avec un sourire.
-Vous semblez soucieuse, répliqua t-il. Vous attendez quelqu’un…
-Un ami…
-Rien que cela ? Un ami ? Murmura t-il en prenant sa main.
-Nous sommes fiancés, laissa t-elle échapper et le regard de Pacey se voila.
-Je le savais… Ce bracelet… Vous y tenez tant…
-Oui j’y tiens, je croyais l’avoir perdu, mais il est brisé…
-Je suis désolé, dit-il en retirant sa main soudain comme si son contact la brûla.
-Ne le soyez pas, fit-elle doucement en se rapprochant de lui. Je ne vais pas l’épouser.
-Vous… Mais pourquoi ?
-C’est mon meilleur ami, mais je ne l’aime pas comme il le voudrait…
-Il va avoir le cœur brisé.
-Oui et moi aussi… Il ne voudra plus me revoir après cela, fit Joséphine en essuyant une larme.
-Pourquoi ne l’aimez-vous pas ?
-C’est mon meilleur ami et rien que cela, je ne pensais pas qu’il m’aimait depuis tout ce temps.
-Je ne peux pas lui en vouloir vous êtes magnifique, vous êtes plus belle de jours en jours, je ne peux pas m’empêcher de vous regardez
-Je sais, murmura t-elle et il se redressa pour accrocher son regard au sien. 

Il chassa une mèche qui avait quitté son chignon, et dans cette salle pleine de monde, emplis de blessés, et de mourants, il s’approcha et caressa sa joue de sa main, avant de l’attirer à lui, pour que leurs lèvres se frôlent, doucement, dans une douce mélodie, une unique danse rien que pour eux, et Joséphine ne recula pas, elle laissa cet inconnu l’embrasser, cet homme qui la faisait vibrer depuis qu’elle avait posé les yeux sur lui, et quand il recula, elle garda les yeux fermés, comme si elle avait été emporté dans un autre monde, et il passa ses doigts sur ses lèvres, douces et frêles avant de murmurer son nom, encore et encore…
Elle recula et ouvrit les yeux, Pacey restait immobile, assit sur son lit, l’effervescence de la salle leur fit tourner la tête, et Joséphine dut se raccrocher au bord du lit, elle avait succombé, elle avait succombé à cette folle attirance, à cet amour qui naissait doucement, mais elle ne regrettait pas, elle sentait encore la douce caresse des lèvres de Pacey sur les siennes et elle avait totalement oublier Dawson jusqu'à ce qu’une voix connu l’interpelle et qu’elle se retourne, les yeux encore brouillés par cette sensation unique qu’elle venait de ressentir pour la première fois…
Dawson Lerry se tenait au milieu de la pièce, et la fixait, il était couvert de boue, mais il était vivant, et Joséphine se leva livide, partagée entre la joie de revoir son meilleur ami, et la peur de lui annoncer sa décision. Pacey détourna les yeux, comprenant bien que cet homme se trouvait entre eux, qu’il était là depuis toujours et qu’il en sera toujours ainsi, il se trouvait ridicule d’avoir embrassé cette jeune femme qu’il connaissait à peine, et il se maudissait d’avoir laissé naître ce sentiment si fort qu’il n’arrivait plus à contrôler, il la voulait, il rêvait qu’elle lui appartienne…
Joséphine s’avança vers Dawson qui lui souriait, il n’avait pas assisté au baiser passionné qui avait précédé et elle le prit dans ses bras, l’embrassant sur la joue avec retenue. Il la regardait les yeux brillants et emplis de larmes, car pendant tout ce temps il n’avait fait que penser à elle, c’est son visage qu’il voyait dans les pires batailles, c’est sa voix qu’il entendait quand le carillon raisonnait et que le cesser le feu était décidé, il avait survécu pour elle, il avait combattu pour elle, mais maintenant que la guerre le tenait il ne pouvait plus s’en défaire, et il est revenu la voir pour lui annoncer qu’il repartait et que d’autres batailles l’attendaient, mais il voulait la revoir et entendre encore une fois de sa bouche qu’elle lui était destinée, qu’elle serait sa femme quand il reviendra, cette promesse le ferait vivre il en était sûr, il ferait tout pour elle, même mourir pour la sauver… 

-Joey ! Je suis content de te revoir
, murmura t-il contre son oreille et elle lui sourit avant de l’entraîner plus loin aussi loin que possible du regard insistant de Pacey.
-Moi aussi Dawson, j’ai eu si peur pour toi, avec tous ces affrontements…
-C’était horrible Joey, je n’aurais cru que la guerre puisse être si meurtrière et pourtant j’aurais du, ce n’est pas un jeu, ce n’est plus un jeu. Rentre chez toi, tu n’as plus besoin de rester dans cet hôpital je suis de retour…
-Dawson… Je ne peux pas, je me sens utile.
-Ce n’est pas ta place, répliqua t-il soudain agacé qu’elle le contre dise.
-Maintenant ça l’est, c’est devenu ma place, je m’y sens bien.
-Cela n’a plus d’importance, je vais devoir repartir avec l’armée de l’Union Joey… Je suis désolé je t’abandonne encore une fois, mais quand je reviendrais nous pourrons enfin nous marier.
-Justement je…
-Ne me dis pas que tu as changé d’avis ? Fit-il soudain livide.
-Dawson, commença t-elle en lui prenant les mains, je crois que tu trompes sur nous, nous ne sommes pas fait pour nous marier, nous sommes amis depuis toujours, je ne pourrais pas être ta femme !
-Tu ne m’aimes pas ? Joey…
-Si je t’aime, je t’aime très fort Dawson Lerry, mais ce n’est pas de cet amour là que tu as besoin, je ne peux pas t’aimer plus…
-Essaye Joey… Nous nous connaissons depuis tellement longtemps, depuis le premier jour je savais que tu étais mon âme sœur.
-Je le suis, je suis ta meilleure amie, mais je ne peux pas être ta femme, je ne t’aime pas comme…
-Tu ne m’aimes pas comme qui ? Coupa t-il soudain. Il y a un autre homme ? Non c’est impossible tu m’en aurai parlé…
-Ne rends pas les choses plus compliqués je t’en prie…
-Tu les as rendu compliqué Joey ! Tu m’avais dis oui, tu m’avais promis…
-Crois-moi Dawson, je t’aime mais ce n’est pas cet amour là qui doit être consacré…
-Tu en aimes un autre ?
-Je ne peux tout simplement pas te mentir ou me mentir en te disant oui devant Dieu alors que je n’en suis pas convaincue…
-Tu me mens Joey ! Je le sais quand tu me mens !
-Dawson…Nous aurions fait une erreur en nous mariant.
-Mais je t’aime…
-Je t’aime aussi, mais pas comme tu le voudrais.
-Qui est t-il ? Je suis persuadé qu’il y a un autre homme ! Quelqu’un qui t’as montré que ce n’était pas moi l’amour de ta vie…
-Non, fit-elle faiblement à la pensée de Pacey seul dans la salle pourtant bondée. 

Il s’écarta d’elle furieux, et Joséphine resta immobile, tremblante. Il était le portrait même de la colère et de la frustration et elle voulut oublier le regard qu’il jetait sur elle, mais sans y parvenir, cette image resterait gravée pour toujours dans son esprit, plus vivace encore que les débuts de la guerre, plus vivace encore que sa triste finalité. Il la détailla de la tête aux pieds, et compris enfin ce qu’elle lui cachait, elle ne mentait pas si bien que cela, et il connaissait par cœur, il y avait un autre homme, un  homme qui lui avait ouvert les portes de l’amour, des portes qui restaient closes pour Dawson qui avait le cœur brisé, il était revenu pour elle, il aurait parcouru tout le continent pour elle, et maintenant il allait repartir le lendemain le cœur vide, sans l’image de Joséphine pour le protéger, et il porta sa main à son cœur, tandis qu’elle baissait la tête, reculant toujours un peu plus vers la porte comme si elle le fuyait. Et dans un sens elle le fuyait.
Elle se retrouva sur le pas de la porte et croisa le regard de Pacey ce qui n’échappa pas à Dawson qui la bouscula soudain pour croiser lui aussi les yeux de l’homme qui avait ravis le cœur de son amour de toujours. Il pesta et se tourna vers Joséphine, rouge de colère. Elle le regardait comme si elle ne le connaissait pas, il avait gagné la bataille de Gettysburg, mais il avait perdu la bataille dans son cœur, et il ne pouvait pas l’accepter… 

-Alors c’est pour lui que tu me quittes ?
Hurla-il et toute la salle se retourna.
-« Je sais que j’ai fais une erreur, que je n’aurais jamais du te mentir mais pardonne moi ».
-Oh oui tu as fais une erreur, tu m’as trahit… 

Il poussa la porte, et courut entre les lits, ignorants les suppliciés qui lui tendaient la main, tandis que Joséphine le suivait, les épaules secouées de sanglots, animées par d’horribles soubresauts, le regard hanté par la colère de celui qui partageait sa vie depuis toujours, mais qui ne s’était jamais contenté de la place qu’elle lui avait donné dans son cœur, mais c’est elle qui avait fait une erreur en lui disant oui, jamais elle n’aurait du prononcer ces mots…Il s’arrêta devant le lit de Pacey qui instinctivement recula et Joséphine arriva derrière Dawson pour le retenir mais il la repoussa violemment. 

-Alors c’est à cause de vous qu’elle me quitte ? J’ai vu le regarde que vous lui avez lancé ! Un ennemi en plus, un traître… Je ne vous laisserais jamais la toucher, vous m’entendez, Joséphine m’appartient !
-Comment osez-vous parler d’elle ainsi ? S’insurgea Pacey en se redressant sous la fureur de Dawson. Elle ne vous appartient pas !
-Ni à vous d’ailleurs !
-Arrêtez ! Hurla Joséphine et du coin de l’œil elle vit Jennifer les regarder, livide.
-Je l’ai demandé en mariage, elle était ma fiancée comment avez-vous osez la séduire ?
-Je ne l’ai pas séduite, je suis tombée amoureux d’elle, murmura t-il, elle était là quand je me suis éveillé, elle était là pour me soigner…
-Vous en avez profité oui ! Rétorqua Dawson et Pacey se leva doucement, malgré les protestations de Jennifer qui approchait au pas de charge. 

Il fit face à Dawson et les deux hommes s’affrontaient, de la colère pleins les yeux, les poings serrés contre leur corps, l’un fort de ses victoires, l’autre faible de ses défaites, mais tout deux amoureux de la même jeune femme, cette jeune femme qui se tordait les mains dans un coins, les yeux fixés sur cette bataille que la guerre de Sécession avait fait naître, parfait portrait de leur opposition, le Nord contre le Sud, sur ce sol maudit, dans un hôpital à la dérive, sous les yeux d’une femme qui avait suivit son cœur, et qui avait décidé d’abandonner celui à qui elle était promise, par amour pour cet inconnu qui avait ouvert les yeux sur son visage défait et qui l’avait illuminé de promesses. 

-Messieurs ! Pas de guerre ici, nous en avons déjà assez à soigner
, hurla  une infirmière inconnue qui avait assisté de loin à la bataille, et les deux hommes reculèrent, tandis que Joséphine soupirait de soulagement, des larmes toujours pleins les yeux.
-Vous allez le regretter, lança Dawson en reculant de plus en plus sans un regard pour sa meilleure amie qui l’appelait, qui hurlait son nom. 

Il détala entre les lits et sortit de l’hôpital, furieux, lançant des jurons au soleil qui le fixait, laissant tomber sa chaleur sur lui, et sans qu’il ne s’en rende compte, il sentit la tristesse monter en lui, par vague successive, et des larmes bientôt vinrent inonder ces joues, il l’avait perdu pour toujours aujourd’hui, alors il se laissa tomber au sol devant l’église comme Pacey Witter quand il était tombé pour la cause des Sudistes, les mains sur le visage, chassant la poussière de sa main, une photographie de Joséphine toujours dans sa po che, une photographie qu’il se jura de garder jusqu'à la fin, jusqu’au jugement dernier… 

                                                                     ***
 

Pacey Witter se laissa tomber sur le lit hébété, tandis que Joséphine le fixait, les yeux brouillés de larmes, il lui tendit la main mais elle ne bougea pas et il se rendit compte qu’il avait laissé échapper les mots qu’il n’aurait jamais du dire, ce « je t’aime » qui n’aurait jamais du naître, car il aurait du rentrer chez lui, reprendre cette guerre sans que jamais elle ne les entendent, ils allaient bouleverser sa vie, bouleverser leur vies pour toujours et il enveloppa sa tête de ses mains tremblantes. Jennifer s’était éloignée ainsi que l’autre infirmière qui leur avait lancée un curieux regard, comme si ils étaient coupable de s’aimer, après tout ce n’était pas leur faute si l’Union combattait les Etats confédérés, ce n’était pas leur fautes si les hommes s’affrontaient pour cette cause, il n’avait fait que tomber amoureux, il n’avait que brisé leur cœur d’un homme, comme cette guerre brisait le cœur des Hommes…Joséphine enfin s’approcha de Pacey et elle se laissa tomber sur le lit pour qu’il lui prenne la main, il voulait s’excuser, il voulait lui demander pardon pour cette nouvelle guerre, pour ce « je t’aime » qu’il n’aurait jamais du prononcer mais elle posa un doigt sur ses lèvres en souriant à travers ses larmes. 

-Je suis tombée amoureuse de toi Pacey Witter, peu m’importe que tu sois un ennemi, peu m’importe qui tu étais avant
, murmura t-elle en le tutoyant pour la première fois, ce qui compte c’est ce que tu as fais naître en moi, dans mon cœur, et c’est cela l’amour, conclut-elle en prenant sa main pour la poser sur sa poitrine ou son cœur battait la chamade. 

Pacey sentit son cœur s’emballer en sentant la peau veloutée de Joséphine sous ses doigts, son sein qui se tendait vers lui, qui pointait sous son corsage en dentelle, et il dut détourner le regard tant cet amour était fort, il ne rêvait que de cela, qu’elle se donne à lui et qu’il la serra contre son corps, et quand il s’approcha pour effleurer à nouveau ses lèvres, elle ne résista pas, et sourit en sentant la douce pression de sa bouche sur la sienne… 

-Au feu, au feu !
Hurla une infirmière et Pacey s’écarta de Joséphine, effaré. 

De la blanchisserie s’échappait une fumée noire et tenace qui embrasait tout, ils n’avaient rien vu venir, ils n’avaient pas senti l’odeur de brûler au dehors, mais voilà que le feu se propageait, que les invalides hurlaient sur leurs lits, que les infirmières couraient, mais aucune trace de Jennifer à l’horizon. Joséphine se leva soudain affolée, et regarda alentour, en cherchant la sortie la plus proche pour évacuer tout ce monde, mais ils s’affolaient et n’arrivaient plus à raisonner, ils se noyaient, ils tombaient, emporté par la fumée qui commençait à passer sous les portes, de plus en plus opaque, de plus en plus violente, et Pacey se leva, prenant appuie sur le lit, bousculer par les hommes qui rampaient au sol pour essayer de gagner la sortie, écraser par les autres qui valides couraient pour échapper aux flammes. 

-Jennifer ! Jennifer !
Appela Joséphine mais personne ne lui répondit dans cette cohue et elle prit Pacey par le bras. 

Ils affrontaient la cohue, tandis que les hommes hurlaient toujours coincés sur leurs lits, les infirmières faisaient tout pour les transporter mais certains était trop lourd, ou trop amochés, et elles les laissèrent ainsi, dans le danger, envahi par les flammes qui se rapprochaient, certains affirmaient que la fin du monde était proche, d’autres que Gettysburg était tombé aux mains de résistants Sudistes, et la panique fut telle, que Joséphine trébucha plusieurs fois, soutenant Pacey qui grimaçait de douleur. Il lui aurait même demandé de l’abandonner ici si il était certain que cela la sauverait mais elle n’aurait jamais accepté, et ils furent enfin libérés, quand ils atteignirent le perron ou les blessés s’amassaient, les pompiers étaient déjà sur le qui vive, et Joséphine appela encore une fois Jennifer qui restait invisible. Ils s‘entassaient tous, brûlés ou blessés, choqués ou livides, sur le sol, sur cette terre que le Sud leur avait disputé et  qu’ils avaient pourtant sauvé, mais comment le feu était né ? Comment avait-il pu prendre dans cet hôpital ? Pacey glissa au sol, et resta immobile, couvert de suie, la respiration lourde, l’effort avait été tel qu’il ne pouvait plus respirer et la jeune femme s’agenouilla près de lui, lui parlant pour qu’il survive, touchant son visage et prenant ses mains qui restaient douloureusement inerte. Tout à coup, un pompier apparu avec Jennifer dans les bras, elle était livide mais elle avait les yeux ouverts, elle toussait, consciente qu’elle avait échappé à la mort et quand elle vit tous ces blessés au sol elle éclata en sanglot. Elle se rendit compte qu’il ne restait plus rien de cet hôpital, qu’il y avait encore des corps dans l’immeuble, et que certains étaient morts brûlés par les flammes, calcinés par un autre feu que celui lancé par les Sudistes, dans un banal incendie alors que la guerre les avait poursuivit…
Pacey reprit doucement conscience, tandis que les pompiers emportaient Jennifer un peu plus loin, ramassaient les blessés qui gémissaient toujours et éteignaient le feu qui rongeait toujours la battisse mais Joséphine sourit en voyant les yeux de Pacey s’accrocher aux siens encore une fois… 

-Tu es toujours là pour me sauver
, murmura t-il tandis que les pompiers l’aidaient à se lever pour l’emmener plus loin.
-Je suis ton ange ne l’oublis jamais…Fit Joséphine en caressant son visage après qu’il fut emmitouflé sans une ouverture malgré la chaleur.
-Tu sais que je vais devoir repartir… Comme ton ami…
-Je sais, dit-elle en baissant la tête, mais il lui releva le menton et lui sourit.
-Je t’aime Joséphine Joey Potter, s’exclama t-il et elle sourit en l’entendant accoler son surnom à son prénom. Et je reviendrais… Reste à savoir si tu seras là…
-Je serais là Pacey !
-Je ne peux rien te promettre, cette guerre n’est pas encore finit, mais je ferais tout pour survivre, même si pour cela nous devons perdre, même si pour cela le Sud devait renoncer, rien ne se mettra entre nous maintenant, plus rien… 

Joséphine se pencha pour l’embrasser, mais une image de Dawson s’imposa à elle, il était partit si furieux qu’elle doutait de le revoir un jour, et elle sentit son cœur se serrer, elle n’aurait cru qu’elle devrait renoncer à son meilleur ami pour vivre cet amour qu’ils condamnaient déjà tous, elle savait que ses parents allaient la sermonner, que son entourage la prendrait pour une folle, une folle qui attendrait le retour hypothétique d’un soldat Sudiste qui pourrait mourir dans la prochaine bataille, qui pourrait l’abandonner comme ils le font tous… Comme Dawson l’avait fait, il avait quitté si vite l’hôpital avec ces derniers mots terribles qui ne lui était même pas destiné, sans un geste, sans un signe, juste cet au revoir qui n’en était pas un et elle souffrait, elle souffrait tout en cultivant son nouveau bonheur, cet amour qui était né dans ses yeux et qu’elle ferait vivre coûte que coûte… 

-Quand je reviendrais Joséphine Potter, je demanderais ta main à ton père, et nous serons enfin heureux.
-Tu avais dis pas de promesses, lui rappela t-elle mais au lieu de le réprimander elle se lova contre lui, regardant à ses cotés le feu s’éteindre, se consumer comme les amitiés les plus précieuses, comme les amours les plus forts, mais comment résister face à la mort…
-Pas de promesse, mais juste celle-ci Joey, un jour tu seras ma femme.
-Je t’appartiendrais, fis-elle songeuse.
-Non, répliqua t-il en caressant se cheveux, nous nous appartiendrons…       
-Oui… Oui, je le veux… 

Un sourire naquit sur les lèvres de Pacey, et pourtant au fond de lui vivait une sourde crainte, celle qu’il rencontrait dans tout ses départs dans toutes ses batailles, il avait peur de pas survivre, de ne plus jamais revoir le visage de Joséphine, de mourir sans l’avoir fait sienne, d’expirer sans sa main sur son visage, il craignait de ne pas tenir sa fugace promesse, il avait tout simplement peur que la prochaine bataille sonne le glas de sa si courte vie, et il trembla dans ses bras tandis qu’elle resserrait son étreinte, soucieuse, personne ne savait ce que leur réservait l’avenir…  


    3 août 1863, Gettysburg, Pennsylvanie, Etat Nordiste membre de l’Union  

Pacey était totalement sur pieds et la missive qui lui intimait de repartir pour le front Sudiste était arrivée la veille. Joséphine savait bien qu’elle devrait le laisser partir, mais plus le temps passait, et plus elle espérait que l’armée avait oublié ce vaillant soldat qu’elle avait jadis abandonné sur des terres ennemies. Le lendemain de l’incendie avait été terrible, Dawson furieux avait refusé de revoir Joséphine avant son départ pour Little Rock, et la jeune fille profondément affectée se refusait à croire que cette formidable amitié qui durant depuis une décennie prendrait fin au milieu de cette guerre dont ils n’étaient que les victimes. Mike Potter voyait d’un très mauvais œil cette idylle naissante entre les deux jeunes gens, et s’évertuaient à convaincre sa cadette que ce n’était qu’une erreur de jugement, une faiblesse, une attirance passagère que le danger omniprésent avait fait naître, mais fière et têtue, Joséphine relégua tous ces conseils paternels aux oubliettes, se confiant à sa mère qui lui avait jadis appris que toutes les symphonies avaient un défaut comme elles avaient un dernier credo, et qu’il fallait outrepasser les difficultés pour trouver la beauté qui se cachait dans ses limbes terribles que la Sécession avait fait naître, le Nord et le Sud, divisé, des hommes et des femmes, coupables d’éprouver ce sentiment si intense que jamais personne n’aurait condamné en temps de paix, mais Joséphine avait décidé de ne laisser ni la guerre, ni son père, diriger son avenir, même l’image furieuse de Dawson s’estompait, comme si les paroles qu’il avait prononcé était l’erreur ultime de leur mélodie à tous.
Dawson qui était partit la veille, sans un mot, sans un regarde, borné à cette indifférence qui pourtant lui brisait le cœur, il était certain en quittant Gettysburg que c’était la dernière fois qu’il voyait sa Joséphine et pourtant il l’avait ignoré, trop fière pour admettre qu’il l’aimerait toujours, qu’il pourrait tout lui pardonner, même cet amour qu’il aurait voulut maudire, même cette trahison qui n’en était pas une, mais il avait renoncé, maintenant il ne lui restait plus que cette guerre pour lui rappeler pourquoi il survivait… 

Aujourd’hui, elle ne disait pas adieu à son nouvel amour, elle ne faisait que son devoir, son devoir de femme, elle le laissait s’en aller, parce qu’il devait en être ainsi, elle continuerait de soigner tout ceux qui allait franchir la porte du nouvel hôpital, tous sans exceptions, en priant que si jamais Pacey était blessé, une âme bienveillante se chargerait de le remettre sur pied, pour qu’il lui revienne, pour que tous les hommes reviennent.
Et c’est ainsi qu’une partie de leur mélodie s’achève, un mois jour pour jour après la fin de la bataille de Gettysburg, il s’en allait, la laissant sur la place avec ce regard torturé qu’il avait croisé à son réveil, avec la peur et l’angoisse de ne garder en elle qu’un fantôme d’une idylle sans doute condamné, mais elle gardait espoir, elle garderait espoir quoi qu’il puisse advenir d’eux, même si le vent tourne et que les hommes expirent, même si il devait ne plus jamais revenir, ce souvenir vivace de leurs regards entremêlés vivrait pour l’éternité… 
Pacey regardait la route qui s’étendait devant lui, instable et mouvante, comme un serpent qui l’entraîne dans les profondeurs et c’est bien ce qu’il va retrouver de l’autre coté de ces montagnes, loin d’elle, loin de celle à qui il a promis monts et merveilles. Elle reste immobile, une main gantée dans la sienne, attendant qu’il ait ce courage qu’elle n’aura jamais, ce courage de tout quitter pour le devoir et la patrie, une patrie qui l’avait abandonné, mais qui dans un sens lui avait tout donné, une guerre qui lui donnait l’amour, de la beauté dans l’horreur, et de l’espoir dans ces vaines journées qui s’enchaînaient, car sans elle, jamais il n’aurait pu poser les yeux sur son ange, et c’est avec un dernier sourire qu’il recule, embrassant sa main une dernière fois, accrochant son regard au sien comme si cela devait être l’ultime refrain de leur symphonie, effleurant ses lèvres comme une caresse, conscient que cette étreinte pouvait être la dernière, et sans un mot il s’en va, marchant vers ce nouveau combat sans une nouvelle promesse, mais elle n’en avait pas besoin, il avait son cœur, elle avait le sien, et peu importe combien de temps elle devra attendre la peur au ventre, pour lui elle ferait tout, pour lui elle sacrifierait tout, parce qu’elle en était persuadé à présent, l’amour sauve tout, l’amour vaut tous les sacrifices, c’est le seul acte de folie sensé que les Hommes peuvent accomplir, c’est leur essence et leur souffrance, mais au final, jamais ils n’oublient la mélodie qui les a fait vivre…Qui les a fait survivre… 

Elle lève la main dans un dernier signe, les larmes aux yeux, et elle voit sa silhouette disparaître dans le vent, comme les feuilles mortes qui s’envolent, comme la mer qui charrie les vagues instables, mais un sourire naquit sur ses lèvres, il lui avait donné bien plus en un mois que ce qu’elle aurait pu imaginer, et rien que pour cela, il sera toute sa vie durant, un être exceptionnel…

      27 mai 1865, Gettysburg, Pennsylvanie, Etat Nordiste membre de l’Union  

Deux ans… Deux ans que Joséphine attendait le retour de son soldat Sudiste, et elle était persuadé qu’il reviendrait, qu’ils étaient fait pour être ensemble, et que rien pas même les dernières batailles de cette guerre de Sécession ne pourrait les séparer, et c’est sur la place centrale de la ville qu’elle était postée, attendant de le voir revenir, toujours au même endroit, avec une vue sur les collines, envahie par les souvenirs de l’arrivée des soldats par une belle journée de Juillet en 1863, elle restait ainsi des heures, comme si elle n’avait pas bougé depuis ce jour funeste, comme si elle se devait d’être là chaque jours depuis que guerre était finie, et c’était le cas dans un sens, elle voulait être là quand il entrera dans la ville, elle y croyait encore, elle savait qu’il ne pouvait pas l’abandonner, il fallait juste lui laisser le temps de rejoindre la Pennsylvanie, et d’autres soldats n’avaient pas encore retrouvés leurs foyers, seulement Joséphine évita de penser aux morts, il ne pouvait pas en faire partit elle sentait encore son pouls battre contre le sien, son cœur lié au sien, il vivait, puisqu’elle respirait encore…Elle s’installa sur un banc, oubliant l’agitation de la ville, se plongeant dans ces derniers mois sans lui, ses derniers mois ou elle avait appris et perdu à la fois, triste, et solitaire, mais avec toujours l’espoir fou que cette promesse ne pouvait pas s’éteindre… 

Dawson Lerry avait été tué à la Bataille de Little Rock quelques mois plus tard, mais il était mort en héros selon la lettre qui était parvenu aux Lerry accompagné d’un insigne et d’une médaille. Gayle Lerry ne s’en était jamais remise, mais elle n’avait pas blâmé Joséphine, ignorant tout de l’amour secret que vouait son fils à sa jolie voisine, et elle lui avait même remis un mot qui lui était destiné, une petite lettre toute simple, ou le prénom de la jeune fille s’inscrivait, sobre sur un papier blanc, et dans cette missive, juste quelques mots, quelques mots qui lui avaient brisés le cœur «Je suis désolé… ». Joséphine avait longuement pleuré sur cet ami qu’elle avait perdu, qu’elle avait perdu avant même sa mort, qui avait du la haïr mais qui pourtant venait s’excuser dans cet ultime acte avant d’expirer, un dernier acte d’amour pour la femme qu’il aurait voulu faire sienne et qui en avait choisit un autre. Le corps avait été rapatrié un mois plus tard, et Joséphine allait souvent se recueillir au cimetière avec au fond de son cœur une sourde culpabilité qui la rongeait doucement, ajouté au manque que Pacey avait laissé dans sa vie, un manque qui la faisait dépérir, et c’est seulement de ses lettres qu’elle vivait, qu’elle survivait, ne souriant que quand elle apprit la fin de la guerre de Sécession le 9 avril 1865… 

Jennifer Lindley n’avait jamais quitté le nouvel hôpital après sa reconstruction, et Joséphine lui rendait souvent visite, pour passer le temps, mais surtout pour se sentir utile, pour revivre ses moments magiques avec Pacey, elle n’avait vraiment vécu qu’à son contact, dans ses bras, et pourtant il n’avait fait que l’embrasser et lui promettre de l’épouser, mais cela lui avait suffit, elle l’aimait, elle en était certaine et ces deux années n’avaient fait que la conforter dans cet amour que personne n’avait réussi à vaincre, pas même le temps, ni la si terrible guerre qu’ils avaient tous traversés. Jamais le mari de Jennifer n’était revenu, elle n’avait reçu aucune lette, aucune nouvelle, et la jeune femme avait eu du mal à accepter ce fantôme que la guerre lui laissait, un fantôme qui allait animer ses jours, qui allait hanter ses nuits et toujours cette incertitude, ce deuil sans corps, cette mort sans contenue, il avait tout simplement disparut comme tant d’autres, peut-être quelque part au Sud pris dans ces pièges mouvants qui l’avaient emporté… 

Pacey lui avait écrit de nombreuses lettres et à chaque batailles elle tremblait pour lui, revivant les moments qu’elle avait vécu dans cet hôpital près de ces corps déchiquetés, près de ces blessés qui appelaient leurs femmes, près de ces morts que plus personne ne pouvait sauver, et elle espérait que le destin les épargnent, qu’il les épargnent tous en mettant un terme à ce conflit et quand enfin cette fin fut officielle, elle pu assister chaque jour sur la place à des trouvailles, des hommes qui revenaient en ville, marchant doucement sur le chemin, le soleil écrasant pour seul compagnie, souvent solitaire, parfois accompagné de leurs camarades d’armes, des retrouvailles émouvantes, ou des femmes pleuraient, ou des enfants retrouvaient leur père, mais depuis une semaine plus personne n’était revenu à Gettysburg, plus aucun soldat n’avait foulé le sol, mais cela n’empêchait pas Joséphine de s’y rendre quotidiennement, en imaginant Pacey remonter la rue principale et lui tendre les bras, image qu’elle voyait souvent dans ses songes mais qu’elle ne trouvait pas sur le chemin toujours désert… 

Jusqu’à ce jour, ou las, elle allait renoncer…
Une forme indistincte apparut sur la route poussiéreuse, une forme mouvante qui avançait doucement, la tête basse, un uniforme usé sur le dos, un homme qui rentrait chez lui dans un sens, et qui sentait son cœur s’emballer dans sa poitrine à chaque pas, chaque pas qui le rapprochait de cette ville et de sa bien aimée, la seule femme qui ait pu animer ses journées sanglantes, et ses nuits fugaces, la seule femme qu’il rêvait d’épouser depuis deux ans. Joséphine resta immobile sur la place, fixant ce point qui marchait sur la route, comme les cavaliers qui jadis voulaient envahir Gettysburg, mais celui-ci était seul, sans armure et sans monture, solitaire comme elle l’avait été pendant ces deux années sans lui, mais elle ne voulait plus espérer, elle ne voulait plus venir passer ses journées ici avec cet espoir fou que le temps lui reprenait, seulement cette fois ci, elle ne recula pas, elle avança sur la route, rejoignant la forme qui releva la tête en entendant des pas se rapprocher, et elle su que c’était lui, que c’était Pacey, elle le su quand il croisa son regard et que sa voix raisonna dans la ville déserte, il l’avait retrouvé, elle l’avait attendu, maintenant il ne leur restait que l’éternité pour tout accomplir…  



Classement: 1ère Place
Auteur: Nanouee
Note: 17,5
Commentaires du jury:
>> sorsha : Le texte est très bien écrit avec un style fluide et agréable. L’histoire d’amour bien que prévisible est très bien décrite, l’amour au milieu de la souffrance et de la haine aurait gagné à être plus long à se révéler et à s’imposer pour Pacey mais surtout pour Joey. Un texte qui montre la qualité d’écrivain et l’aisance de l’auteur.

>> carolin : J'ai beaucoup apprécié cette très jolie histoire qui est très bien écrite. Toutes les indications ont été respectées et parfaitement intégrées dans le texte. L'événement historique est bien trouvé et la fin est magnifique. J'ai adoré le personnage de Joey on retrouve bien son caractère. L'idée du bracelet était géniale aussi.
Ecrit par nanouee 
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Locksley, 25.03.2024 à 20:10

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